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Heliconius numata  Cramer 1780
Cartes de répartition: 1  2  3
BROWN, K. & BENSON, W. (1974) "Adaptive polymorphism associated with multiple Mullerian mimicry in Heliconius numata (Lepid. Nymph." Biotropica 6(4): 205-228
JORON, M. & Coll (2001) "Variable selection and the coexistence of multiple mimetic forms of the butterfly Heliconius numata". Evolutionary Ecology 13(7/8): 721-754   Lire PDF
JORON, M. & Coll (2006) "A conserved supergene locus controls colour pattern diversity in Heliconius butterflies". PLoS Biology 4(10): 1831-1840   Lire PDF
JONES, R., JORON, M. & Coll. (2012) "Evolution of a mimicry supergene from a multilocus architecture". Proceedings of the Royal Society of London (B) 279(1727): 316-325 (22 January; published online 15 June 2011)    Lire PDF
JORON, M. & LE POUL, Y. & Coll. (2014) "Evolution of dominance mechanisms at a butterfly mimicry supergene" Nature Communications 5, Article number: 5644  Article

Génétique de la coloration alaire chez H. numata

H. numata possède une zone génétique appellée supergène qui commande différentes formes phénotypiques en fonction du mimétisme avec de nombreux Ithomidés. Au niveau de cette région chromosomiques, les scientifiques ont montré qu'un bloc d'une trentaine de gènes s'est trouvé immobilisé, au cours de l'évolution, par des phénomènes d'inversions (des régions d'ADN qui se retrouvent en position inversée chez différents individus), supprimant le processus naturel de mélange génétique entre générations. De cette manière, de nombreux gènes sont hérités en bloc et produisent des papillons d'apparence totalement différente, mais ressemblant à des espèces de Melinaea ou de Mechanitis. Cela permet de  diminuer la possibilité d'avoir des individus aléatoires, éloignés de la ressemblance avec ces ithomidés. Cela permet, dans un espace géographique restreint, de "gérer" plusieurs motifs sans trop de formes intermédiaires.

D'après le CNRS, l'étude de JORON & Coll, "montre que 3 types chromosomiques sont en coexistence chez ces papillons, chaque type étant associé à une forme mimétique distincte. Ces 3 types chromosomiques sont distingués par des ordres de gènes différents, apparus par des événements d'inversion de certains segments d'ADN au cours de l'évolution. La variation de l'ordre des gènes réduit fortement les échanges génétiques entre chromosomes (recombinaison). Ceci explique que les 3 types chromosomiques ont un contenu ADN très divergent (sur le segment concerné) car ils ne sont jamais remaniés entre eux. Plusieurs gènes de coloration de l'aile présents dans cette région chromosomique se retrouvent ainsi couplés chez H. numata, grâce aux multiples inversions chromosomiques qui empêchent l'échange de gènes entre chromosomes. Ce couplage définit le supergène et explique son évolution, en fixant les segments d'ADN qui contrôlent les différentes formes mimétiques dans leur globalité, et empêchent leur remaniement."


Les différentes formes ont génétiquement une importance de dominance différente. Par exemple, bicoloratus est dominante sur toutes les autres formes, alors que silvana est récessive.

Le supergène de H. numata:

L'essentiel du polymorphisme est géré par un supergène P avec jusqu'à 9 allèles (d'après Brown) qui est homologue avec le complêxe N-Yb-Sb de H. melpomene et du locus Cr de H. erato. Néanmoins, les gènes codant pour la synthèse des pigments ne sont pas liés à P.
p(a)
Augmente la taille des points jaunes subapicaux
p(y)
La bande médiane jaune est située proximalement vers la cellule
p(d)
La dague est réduite ou absente
p(h)
La bande marginale noire des antérieures est réduite ou absente
p(c)
La tache médiane inférieure est absente
p(t)
La tache en virgule est large et triangulaire
p(s)
La bande noire médiane des postérieures est courbée vers l'extérieur et reliée à la bande marginale noire par une aire triangulaire noire (cf silvana/superioris)
p(m)
La bande noire médiane des postérieures est très réduite et courbée vers l'extérieur (cf mirus/superioris)


Les phénotypes ainsi déterminés ont une dominance linéaire (ex pour la région de Tarapoto, au Pérou):

Autres gènes mineurs:

D'autres gènes sont impliqués qui modifient les patrons de colorations commandés par le supergène P:
Exemples d'après Brown:
Phénotype
Aspect
Exemples
CH
Suffusion brune sur l'ensemble des ailes
peeblesi, leopardus
OR
Une suffusion orange remplace la couleur jaune
silvana, aristionia
AU
Larges points apicaux jaunes aux antérieures
aurora
AP
Pas de points apicaux jaunes aux antérieures peeblesi, messene, euphone
DH
Suffusion noire sur la plus grande partie des postérieures
numata, messene, aristionia
DP
Une grande tache ronde couvre la moitié des postérieures
aurora, euphrasius, confluens
DF
Suffusion noire à la base des antérieures
messene, aristionia
E
La bande médiane noire des postérieures séparées en plusieurs éléments
euphone, timaeus
EM
Idem pour la bande marginale noire des postérieures
timaeus
LS
Disparition presque complète de la bande médiane des postérieures
lenaeus
CL
Bande médiane des postérieures en forme de club de golf
holzingeri

D'autres d'après Jones, Joron & coll.:

Ces "petits" gènes, qui interragissent avec P, semblent servir à affiner les patrons de mimétisme, à les rendre plus ressemblants. Néanmoins, le léger polymorphisme qu'ils induisent au sein d'une forme définie par le supergène P a peut-être un coût en terme de prédation qui reste à explorer.
On observe également qu'un certain nombre de gènes controlant le patron alaire sont associés au chromosome sexuel. On a donc un certain dimorphisme sexuel, mais a-t-il un impact sur une différence de mimétisme estre les mâles et les femelles?

Etude de la dominance au sein du supergène:

Un article récent l'équipe de Mathieu JORON et Yann LE POUL a étudié la dominance au sein des allèles du supergène de H. numata. En croisant des individus de H. numata et en analysant les motifs colorés des descendants en découlant, les chercheurs ont découvert que la dominance entre allèles était déterminée par deux mécanismes distincts. L’un de ces processus semble être apparu lors de l’émergence de nouveaux types de motifs colorés, et fait en sorte que les allèles récents ont une dominance totale sur les allèles ancestraux.

Lire le résumé du CNRS et l'article.



Cette figure représente à le phénotype des hétérozygotes en fonction de la coloration de leur parents.
La carte noir/orange décrit à chaque position de l'aile, la proportion d'individus hétérozygotes noir, orange, ou jaune (transcrit dans la couleur affichée) lorsque leur "parents" (homozygotes respectifs) sont noir ou orange. Une carte totalement noire indiquerait donc que à chaque fois que l'hétérozygote "à le choix" entre orange et noir, il "choisit" le noir, ce qui indique une dominance de la couleur noire sur le orange. Cette dominance dérivée de couleur n'a été observée qu'entre les allèles dérivés (première ligne) alors que les allèles ancestraux sont toujours récessifs envers les dérivés, quelque soir la coloration. (D'après Y. LE POUL com. pers.)